Données, processus et plateformes
Quels que soient le niveau de maturité RSE de votre organisation et le déclencheur de votre action ( CSRD, décarbonation, biodiversité… ) je conduis mes missions avec engagement, technicité et pragmatisme.
La « data » est partout. Il n'est guère de projet où le sujet n'émerge. Mais de la donnée pour quoi faire ? En l’occurence pour construire et faire vivre un système d’information de durabilité. Dans l’absolu, un système d’information remplit trois rôles.D’abord être le support des processus productifs. Mais aussi alimenter les processus décisionnels de l’organisation par des boucles de rétroaction - on pourrait dire mesurer la performance, mais attention à ce que l’on entend par performance ! Enfin, communiquer à l’extérieur des informations détaillées ou synthétiques, à des fins opérationnelles ou de communication,
L’unité de la donnée financière est l’Euro. L’élaboration des états financiers s’appuie sur des normes, une doctrine et des expertises consolidées depuis des décennies. Rien de tel avec les données ESG. Leur normalisation est émergente. La publication des ESRS et des points de données associés peut sembler clore les débats. Dans les faits, ce caractère prescriptif des ESRS n’en rend que plus saillants les écueils suivants :
- Disponibilité de la donnée : prenons l’exemple de la biodiversité et de l’ESRS E4-1. Evaluer le tonnage de matières premières mises en œuvre, sur la chaîne de valeur, issues de « zones abritant des espèces repertoriées dans la liste rouge des espèces menacées de l’UICN, dans la directive « Oiseaux » et dans la directive « Habitats » ou dans des listes nationales d’espèces menacées »… est tout sauf immédiat. Evaluer cette donnée requiert de mener une analyse.
- Hétérogénité des données : on mesure des m³ d’eau, des tonnes de CO2Eq - en s'appuyant sur des facteurs d’émission-, des Equivalents Temps Plein... Au delà de la nécessité de jongler entre ces différentes mesures, cela pose la question du mode de calcul des données collectées auprès de chaque entité ; sont elles directement consolidables ou faut il les ajuster, les retraiter, les homogénéiser ?
- Qualité des données : certaines données sont endogènes, d’autres proviennent de sources externes. Pour les premières il faut s’assurer que la chaîne de transformation qui va raffiner un ensemble de données brutes en un point de données ESG est cohérente, fiable, traçable. Pour les secondes – il peut s’agir par exemple de notations de fournisseurs, de bases de données d’ACV, de données de prévision climatiques – plusieurs questions se posent : sont elles en adéquation avec les besoins d’analyse et de reporting ESG ? Sont elles à un niveau de granularité adapté aux mailles d’analyse et aux structures de références (sites de production, zones géographiques, produits, fournisseurs… ) de l’entreprise ? Le fournisseur de données lui-même est il fiable et transparent sur ses propres modes de collecte et élaboration ?
La transformation de l’organisation, sa progression sur l’échelle de maturité RSE nécessite la formalisation de processus : collecte de données, consolidation, projections, simulations, publications, plan d’actions etc. C’est inévitable, ne serait-ce que pour répondre aux exigences légales de reporting. Mais le reporting réglementaire n’est pas une fin en soi. L’entreprise doit viser à intégrer pogressivement les critères ESG dans ses activités opérationnelles ; et donc à intégrer reporting ESG et financier. Dès 2011 l’IIRC ( International Integrated Reporting Council, à présent… intégré à la fondation IFRS, International Financial Reporting Standards) schématisait le processus de création de valeur d’une entreprise pour faire apparaître :
- les influences et interactions avec l’écosystème
- les relations avec les différentes parties prenantes
- la réduction ou l’augementation de six formes de capitaux ; financier, produit, humain, intellectuel, social, environnemental.
Le processus de création de valeur, source "Cadre de référence de l'IIRC "(2014)
Donc oui, les données et les processus ESG doivent être « gouvernés » ; mais pas comme une excroissance déconnectée, un silo supplémentaire ; bien comme une extension du système de pilotage de l’entreprise.
Si le but premier d'un reporting intégré est d'expliquer aux apporteurs de capital financier comment l'organisation crée et créera de la valeur au fil du temps, il est également utile à l'ensemble des parties prenantes concernées. En premier lieu les employés et dirigeants, à qui il apporte une conscience étendue et objectivée de la performance de leur entreprise.
Une solution ESG bien choisie, adaptée aux enjeux et au fonctionnement de l'organisation peut constituer un différenciateur stratégique, pour des prises de décisions intégrant des critères ESG, à tous les niveaux de l'entreprise.
Sans rentrer dans le détail d'un projet de sélection et de mise en place d'une plateforme ESG, mentionnons quelques points d'attention majeurs.
- Garder à l’esprit que formaliser un processus n’implique pas nécessairement de de l’automatiser. Par exemple la construction d’une matrice de double matérialité ne saurait être réduite à des cotations, recueillies par des enquêtes automatiques ; elle s’appuie en grande part sur des échanges permettant à chaque partie prenante d’appréhender la portée des ESRS dans le contexte propre de l’entité. L’humain et le qualitatif sont déterminants pour une telle activité... alors même que l'identification des enjeux matériels va guider le choix et l'implémentation d'une plateforme ESG.
- Deuxièmement, la mise en place d'une plateforme ESG doit procéder par amélioration continue. Il faut avancer pas à pas. Il s'agit d'un projet IT, l'effet tunnel est un écueil à éviter. Mais dès le premier pas, il faut dessiner une vision cible de ce domaine durabilité au sein du S.I. global.
- Et ce d'autant plus qu'il importe de s'appuyer sur l'existant : ERP, solutions EPM ou BI, infrastructure d'intégration de données etc. L'intégration financier / extra-financier ne saurait se bâtir avec un puzzle d'applications déconnectées.
- On l'a dit, les données sont au coeur de ces processsus d’évaluation de la performance extra-financière. En ligne de mire, il y a des politiques et des actions ; mais est-il légitime de les élaborer sur la base de données incomplètes et imparfaites ? C’est le dernier point d’attention : ne pas se laisser tétaniser par l’imperfection de la mesure – qu’il s’agisse de carbone, de biodiversité ou d’indicateurs sociaux. Le pragmatisme doit primer, il faut accepter de raisonner par ordres de grandeur. La précision n’est pas une fin en soi, et la complexité des enjeux de données ne doit pas être un paravent à l’inaction.
On comprend que le choix d'une solution ESG est structurant ; il doit tenir compte de nombreux critères :
- Le périmètre fonctionnel : collecte, consolidation, production de rapport, analyse, tagging XBRL...
- L'intégration d'un moteur de calcul pour le carbone, ou la capacité à s'intégrer avec une application tierce
- Les capacités à adapter la collecte de données à la structure de l'entreprise, mais aussi lrd points d'intégration techniques (APIs ou imports de fichiers) pour automatiser certains flux
- Les fonctions de planification, comparaison, simulation etc. au delà du reporting stricto sensu
- La souplesse de gestion des données de référence
- Les pré-paramétrages permettant de se conformer aux exigences réglementaires
- La sécurisation des données
- L'auditabilité de la construction de reportings
- Le confort d'utilisation et la facilité de prise en main
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